Un instrument rarissime : Bagdat Abilkhanov à propos du violon Guarneri

Un instrument rarissime : Bagdat Abilkhanov à propos du violon Guarneri

Rubrique : Classique et modernité

Titre : Un instrument rarissime : Bagdat Abilkhanov à propos du violon Guarneri

Auteur : Madina Aldanova



«Les violons Stradivarius et Guarneri se distinguent par leur sonorité argentée. Ce sont des instruments qui possèdent un timbre très puissant. Chez Stradivarius, tout est complètement prêt, c’est une machine qui donne tout ce qu’on lui demande. Et sur le violon Guarneri, il faut s’efforcer. Je considère que c’est un instrument masculin, il faut de la force masculine. Il faut bien s’appliquer pour qu’il sonne», - a raconté Bagdat Abilkhanov.



Guarneri est une famille célèbre de luthiers italiens. Un jour, un certain commerçant proposa à Niccolò Paganini d’acheter un violon d’un maître alors peu connu - Giuseppe Guarneri. Le grand musicien tomba amoureux du violon Guarneri, le surnomma « Canon » pour sa puissance sonore assassine et le légua à sa ville natale de Gênes. Ainsi, Niccolò Paganini joua un rôle important dans la vulgarisation du nom de Guarneri. Si l’on se réfère à l’histoire de l’interprétation, les grands violonistes, tels que Kreisler, Heifetz, Stern, Kogan et Milstein, préféraient jouer sur des violons de la famille Guarneri.

«Tous les orchestres ne possèdent pas de tels instruments uniques. C’est une grande rareté, en réalité. Je pense que c’est une grande chance et un succès pour notre orchestre que de posséder de tels instruments. Tout instrument de qualité influe positivement sur la sonorité générale de l’orchestre», - a fait remarquer le chef d’orchestre du théâtre « Astana Opéra » Rouslan Baïmouzine.



Au Kazakhstan, le violon Guarneri arriva dans les années d’après-guerre. Les soldats, rentrés des champs de la Seconde Guerre mondiale, rapportèrent avec eux des trophées précieux avec une histoire riche. Au début, le violon entra dans le fonds de la Collection nationale d’instruments de musique uniques à Moscou. Des années plus tard, certains exemplaires rares furent envoyés dans les républiques de l’Union.

«J’en ai joué de 1997 à 2002, quand je faisais partie du Quatuor à cordes du nom de Gaziza Joubanova. À l’époque, l’instrument m’avait été remis par notre célèbre expert, le directeur de la Collection nationale, Boulat Tleoukhanovitch Kapeou. Ensuite, je l’ai reçu à nouveau en 2014 grâce à notre Ministère et au théâtre «Astana Opéra». Plus de dix ans ont passé. J’y suis attaché de toutes les fibres de mon âme ! Le violon appartient à la Collection d’État du Kazakhstan, c’est notre pièce de musée. Le contrat est prolongé chaque année et la location est payée, afin de faire le bonheur de notre public avec la sonorité pénétrante de Guarneri», - a expliqué Bagdat Abilkhanov.



L’instrument avec une histoire riche, dit Bagdat Abilkhanov, enseigne la discipline, les levers matinaux et le travail à l’amélioration constante du jeu. La pièce rare, qui a déjà près de quatre siècles, est très fragile. L’entretenir et veiller sur elle n’est pas facile.

«Si nous vivions, par exemple, en Europe, la réparation de l’instrument représente 10 à 20 % de son coût. Imaginez que si l’instrument coûte un million d’euros, il est très difficile de donner 200 000 pour sa réparation. Et ici, on ne confie pas à tous les luthiers», - a fait remarquer Bagdat Abilkhanov.



Pour le violon Guarneri, Bagdat Abilkhanov se soucie comme pour son propre enfant. Il arrive que des fissures apparaissent dans l’instrument ancien ou que la table d’harmonie se décolle. Le désir d’aider son violon préféré a incité le musicien à acquérir des compétences en restauration. Il a reçu ses premières leçons il y a 12 ans à Moscou, auprès d’un ami proche, Vassili Viatkine. Depuis de nombreuses années, Viatkine est le restaurateur de la Collection d’État d’instruments de musique uniques de Russie et veille sur l’état d’un grand nombre de violons Guarneri et Stradivarius.

«Je suis allé le voir dans son bureau et je lui dis : écoute, Vassili, apprends-moi un peu à faire quelque chose, à remettre mon instrument en état. L’instrument entre mes mains est très cher, je vais veiller sur lui. Et le métier m’intéresse ». Il m’a appris à mettre des crins dans les archets, à commencer par les contrebasses jusqu’aux violons. Ensuite, je me suis progressivement lancé dans la restauration», - a raconté Bagdat Abilkhanov.


Maintenant, le musicien célèbre se consacre activement à la restauration, trouve pour cela des matériaux rares. S’interrompant et se reposant de son jeu de violon, après des heures de cours, il regarde déjà à l’intérieur de l’instrument. La restauration est devenue pour lui non pas seulement une passion, mais une nouvelle profession. Il « soigne » avec plaisir les instruments à cordes du théâtre « Astana Opéra ». L’année dernière, le maître a perfectionné ses compétences dans la ville italienne de Crémone.

«En été, j’ai suivi des cours d’un mois sur la restauration et la fabrication d’instruments. Je suis allé chez un maître célèbre, il s’appelle Maria Luca Galo. C’est une personne d’un âge avancé, qui a une très grande expérience de travail. Il crée des instruments depuis plus de 50 ans. Toute l’Europe vient chez lui. Les Américains viennent aussi. Ils achètent chez lui des instruments pour 20 à 30 000 euros et plus. Ses commandes sont pleines pour 5 ans à l’avance, d’ailleurs le paiement pour les instruments a déjà été effectué. À l’issue de ma formation, j’ai reçu non pas seulement un certificat, mais un véritable diplôme. Merci à notre théâtre pour cette opportunité. À Crémone, j’ai été pris à cœur et aimé. J’envisage d’y aller aussi cet été», - a partagé ses projets Bagdat Abilkhanov.


À l’avenir, Bagdat Abilkhanov souhaite s’occuper des instruments populaires kazakhs et utiliser les connaissances du violon pour la restauration du kobyz et du kyl-kobyz. Il est étonnant de voir comment le violon Guarneri, créé en Italie au 17e siècle, influe sur l’héritage musical du Kazakhstan moderne.

753
03.03.2025