Aigerim Musagazhinova : « Le Kazakhstan est un pays de nouvelles découvertes gastronomiques »

Aigerim Musagazhinova : « Le Kazakhstan est un pays de nouvelles découvertes gastronomiques »

Aigerim Musagajinova est une ethnologue kazakhe, candidate en sciences historiques et experte en cuisine traditionnelle kazakhe. Depuis plus de 15 ans, elle étudie et fait revivre l'héritage gastronomique de son peuple : elle collecte des recettes oubliées, les systématise et étudie les aspects culturels de l'alimentation.

De nombreux articles ont été écrits sur elle à propos de la renaissance de la cuisine nationale, mais Aigerim a parlé en exclusivité pour le site Qazaq Culture du code ethnique de la nation, de l'alimentation saine et du lien important entre l'agriculteur et le consommateur.

- Aigerim, vous parlez beaucoup de l'importance de raconter la richesse de notre cuisine et de notre culture nationales. Vous êtes constamment à la recherche de nouvelles recettes et traditions ancestrales. Comment vous est venue l'idée de vulgariser la culture ethnique au Kazakhstan ?

- Je suis moi-même ethnologue et depuis 2001, je me rends dans les villages et les régions, je passe beaucoup de temps en expéditions, à étudier la culture immatérielle et le patrimoine. Au début, j'étais intéressée par les rites familiaux et quotidiens, mais avec le temps, je me suis passionnée pour le thème de l'alimentation et de la cuisine nationale. J'étais un peu contrariée d'entendre que la cuisine kazakhe se limitait soi-disant uniquement aux baursaks et au kouyrdak. Alors qu'en réalité, il existe plus de 40 types de koumis, et les technologies de sa préparation sont différentes. J'ai alors compris : nous avons une culture de l'alimentation énorme et riche, et il faut en parler, partager, conserver.

- La cuisine nationale, ce n'est pas seulement de la nourriture, c'est toute une philosophie. Quels sont les plats qui vous ont particulièrement marqué ?

- Dans chaque région, il existe des plats « phares ». Il existe des recettes qui étaient traditionnellement préparées uniquement par les femmes, ou inversement, uniquement par les hommes. Le premier plat de mon menu ethnographique est l'oulpershek, symbole de l'amour parental pour la fille.

Par exemple, le shubat a un goût et une technologie de préparation différents selon les régions du pays : tout dépend du climat, de l'eau, des herbes sur lesquelles paissent les animaux. Notre cuisine est un véritable trésor, et nous devons transmettre ces connaissances à la jeune génération.

- Vous avez récemment publié un livre intitulé « Cuisine kazakhe : goût et traditions », où vous avez rassemblé 50 recettes uniques parmi plus de 200 trouvées lors d'expéditions. Quels sont vos projets maintenant ?

- Oui, la création du livre a demandé beaucoup d'efforts. Maintenant, je comprends : il est important non seulement de conserver les recettes, mais aussi de développer la production nationale. Nous avons déjà étudié le produit, ses propriétés, les particularités des régions. Je suis désolée que les jeunes soient aujourd'hui passionnés par les boissons énergisantes, qui sont nocives pour la santé. Pourquoi ne pas parler des feuilles de Berberis, qui poussent dans nos montagnes ? On peut en faire du thé, c'est un antioxydant naturel !

Nos ancêtres ont toujours bu du lait de jument et de chamelle. Et aujourd'hui, nous pouvons tout à fait, dans les réalités modernes, développer notre propre production de koumis, de shubat, au même titre que n'importe quelle boisson à la mode.

Et l'arôme du thym, du sorpa, du bechbarmak, c'est une partie de notre code ethnique.

- Vous avez également ouvert un réseau de restaurants ethno-gastronomiques. C'est plus que des restaurants, ce sont des espaces culturels. Parlez-nous du concept et de l'unicité des produits.

- J'aime particulièrement le tary, un produit que nous associons au lait maternel. Il ne contient pas de gluten, il est très sain. À base de tary, nous préparons du thé, du café, nous cuisinons des bouillies. Nous avons même développé une technologie spéciale de préparation du café à base de tary.

De nombreux restaurants ouvrent maintenant avec un concept ethnique, et je m'en réjouis. Mais il est important de ne pas simplement copier, mais de développer le produit local, d'étudier les particularités de chaque région. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons construire une identité gastronomique forte.

Je pense également qu'il est important de former les agriculteurs, de réduire la distance entre eux et les consommateurs. Je suis pour une production honnête et saine. Nous devons nous soucier de ce que mangent nos animaux et de la façon dont le produit arrive sur les étals.

- Vous pensez donc que le tourisme gastronomique est aussi une voie vers la renaissance culturelle ?

- Absolument ! Nous avons tout pour montrer le Kazakhstan au monde comme un véritable pays gastronomique. Des circuits de koumis, des dégustations, la participation des agriculteurs à des festivals, la création de marques régionales.

Il est important que les agriculteurs nationaux se connaissent, interagissent, participent à des projets communs. Ce n'est qu'ainsi que nous conserverons notre véritable code culturel.

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05.06.2025